Contes à la brune, by Armand
Silvestre
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Title: Contes à la brune
Author: Armand Silvestre
Release Date: May 12, 2004 [EBook #12331]
Language: French
Character set encoding: ISO-8859-1
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LA BRUNE ***
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ARMAND SILVESTRE
CONTES
A
LA BRUNE
Illustrations de Kauffmann
A.C.L.
Je dédie ces contes à la très belle qui les a inspirés. Je les publie pour
les lecteurs fidèles de mes Pleines Fantaisies. Ils y retrouveront mes
meilleures pages et aussi le meilleur de moi, tout ce qui y est profond et
sincère.
La mélancolie et la gaîté s'y sont mêlées d'elles-mêmes, puisque ce sont
des contes d'amour et que l'amour est, à la fois, le suprême tristesse et
la suprême joie.
ARMAND SILVESTRE.
Juillet 1888.
[Illustration]
L'HYMNE DES BRUNES
A Catulle Mendès.
Vous doutiez-vous, mon cher Mendès, que vous soulèveriez l'ire des
brunes avec votre jolie chanson des blondes? Vous voilà confondu dans
un même anathème avec Maizeroy, également convaincu de n'aimer
que les toisons dorées baisant l'ivoire des épaules. Or voici que les
porteuses de chevelures noires, dont un Styx jaillit du front marmoréen,
ont élevé vers moi leur plainte et m'adjurent d'être leur champion contre
vous. Ils montent de toutes parts, leurs cris de vengeance, et le plus
amer m'arrive de par delà la Méditerranée, comme un alcyon dont l'aile
s'est trempée au flot salé. Une lettre, une lettre terrible, mon cher, datée
de Mustapha-Alger. N'affrontez pas ces rivages, mon ami, ou vous y
trouveriez certainement le sort d'Orphée qui n'eut d'autre tort peut-être
que de trop pleurer devant la beauté farouche des Ménades, les charmes
dolents et baignés de mélancolie d'Eurydice.
Par quoi ai-je mérité d'être ainsi choisi pour défendre la splendeur
sombre des crinières faites de nuit et pour répéter aux échos le doux
vers Virgilien:
Alba ligustra cadunt, vaccinia nigra leguntur.
où est chantée la saveur de la noire airelle? Sans doute par la sincérité
d'un passé amoureux qui demeura, en effet, presque constamment
fidèle à la beauté brune, malgré quelques excursions dans les champs
de blés tout noyés de soleil vivant. Je ne blasphémerai pas cependant
vos charmes exquis, filles qui portez au front des rayons de miel, et à
qui je dus mes seuls plaisirs tranquilles dans le monde passionnel où
presque tout me fut torture. La vérité est que mes vraies douleurs et
mes profondes ivresses ne me vinrent pas de vous. Celle qui porte en
elle le secret horrible de mes désespoirs et de mes joies, dont le pied
triomphant m'écrasa le coeur, est coiffée d'un casque d'ombre; et cela
est ainsi depuis que j'aime. Je ne mentirai donc pas en célébrant ses
splendeurs cruelles.
* * * * *
Plus souples, plus légères que les fils dont la nuit Tisse le voile obscur
où son front se recèle, Et plus enveloppants sont les cheveux de celle
Vers qui mon seul espoir désespéré s'enfuit;
Quand ma bouche en tremblant les effleure sans bruit, Leur magnifique
éclat sous ma lèvre étincelle, Comme, dans le ciel noir où l'ombre
s'amoncelle, Des étoiles le choeur soudain s'allume et luit.
Comme dans un linceul vivant et que soulève Chacun des battements
où se rythme mon rêve, Dans leur réseau divin j'ai mon coeur enfermé.
Et, jaloux d'une mort plus douce que la vie, Au cou d'ivoire pur qu'ils
inondent, j'envie Le doux et cher fardeau de leur flot parfumé.
* * * * *
O vous qui portez le signe redoutable des défaites innombrables de
mon coeur, Sulamites aux tempes nimbées d'ébène, je dirai, puisque
cela vous amuse, l'ineffable torture où me mit la contemplation de vos
grâces triomphantes. Tandis que, dans le teint des blondes, roule
comme un Pactole de lait où palpitent, ça et là, des parcelles de soleil;
tandis que tout est gaieté dans le printemps rose de leurs joues, l'éclat
de votre peau, à vous, est comme tissé de rayons de lune, de rayons
d'argent pâle où frissonnent les mystères sacrés de la nuit, et votre
pâleur mate, votre pâleur divine semble avoir besoin de notre sang pour
y boire les chaleurs inquiètes de la vie. C'est lui qu'aspire
silencieusement le baiser de vos lèvres froides, tragiques amantes dont
le sourire même cache d'invisibles morsures. Sur les épaules doucement
veloutées de vos rivales semble toujours
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